vendredi 19 décembre 2014

Cobquecura, et bien plus que ça...


Quand j’ai demandé à Manuel, mon nouveau cousin mi-francais mi-chileno qui vit en France mais vient de rentrer pour quelques semaines au Chili, s’il devait choisir l’un des deux pays pour s’installer, lequel choisirait-il. 
"Les six mois d’été en France… et les six mois d’été au Chili."

L’idéal. Le rêve. Bakan. Urrgeil. Arschgeil. Megageil

(C’est du deutsch, ça remplace notre « pète sa grand-mère » ma copine Jil a commencé à me donner des cours. Mais pas vraiment ce qu’on nous enseignerait au lycée si vous voyez le délire ! Je lui apprends de mon côté le français… enfin voila quoi ! Je partage avec vous ma leçon du jour : « Die Erdbeerwoche », littéralement « la semaine des fraises », c’est joliment dit, je vous laisse trouver de quoi ça relève !)

Il a aussi rajouté, après qu’on ait parlé de Sciences-Po Paris qu’il a fait pour un moment (le rêve là aussi !), que ici, ce n’était pas la vraie vie. Je ne sais pas où il voulait en venir, mais ça me travaille. 
Il faudrait plus d’une vie pour parcourir les quatre mille kilomètres de long de ce pays singulier, qui commence dans les terres les plus arides au monde d’Atacama et a pour petit doigt de pied le légendaire Cap Horn. 
Des extrêmes que l’on retrouve encore dans d’autres côtés de la société chilienne.


Mais après quatre mois ici (Dios mio ! que ça passe vite, même si d’un autre côté j’ai l’impression que ça fait des mois !) je l’ai interprété à ma manière, en prenant en compte les belles rencontres, échanges d’opinion, lieux que j’ai visités, ce qu’on m’a appris. 
Tout en ne perdant cependant pas de vue que ma famille d’accueil, mon lycée, mon cercle de potes et connaissances sont en moyenne favorisés.

Je vais donc évoquer Cobquecura pour que vous voyez


où je veux en venir :


















Le sable sur lequel on court avec Eve, Marley (usa) ou Jil (alemana) à s’en faire mal aux talons me rappelle un Magnum au Chocolat par sa texture, lorsqu’il se craquelle sous nos pieds. Quelques enjambées de plus pour moi pour les rejoindre et faire face à ces vagues encore géantes losqu’elles se fracassent quasi devant nous, et écarter les bras au max comme pour embrasser l’écume (ca fait cliché? Jaja qu’y a-t-il de bizarre à embrasser des masses d’eau, on embrasse bien tout le monde ici !) Parce qu’on a beau nous rappeler d’être prudentes, que la mer est dangereuse ici, on ne le prendra jamais au serieu, on pousse des cris d’indiens en mode Pocahontas. Pousser un juron parce qu’on n’est pas des mouettes, et que ça serait carrément cool. On joue aux même jeux que les gosses… courir le plus près possible de l’eau quand elle se retire puis se taper un sprint lorsqu’elle revient pour ne pas se faire mouiller… evidemment qu’on le finira jijiji c’était le but ! Et on a tellement ri que j’ai failli mouiller autre chose !


Manger des crabes en famille sur la plage, où les pêcheurs aux barques multicolores les vendent directemment (vive le commerce équitable !)S’esquiver vers les falaises ocre (de la même couleur que nos peaux brûlées par le soleil). Les-escalader-sans-regarder-en-bas où l’écume se brise sur les rocher. S’allonger sur ce plateau vert parsemé de milliers de petites fleurs amarillas qui annoncent la venue du printemps. Ne pas pouvoir distinguer l’azul du ciel de l’azul de la mer. Et les bateaux fantômes qui ont du franchir le Cap Horn et remontent ainsi vers Valparaiso paraissent semblables aux mouettes et autres rapaces qui planent au-dessus de nos têtes, nous cachant de leur ombre l’espace d’un fugace instant du soleil qui nous aveugle csmmm !!  
Avoir la sensation de se réveiller en même temps que la nature en cette journée de printemps. Les barques rouge vif et jaune pétant qui rentrent de la pêche entourées d’une nuée d’oiseaux  se reflètent dans les yeux de Marley, mon américaine favorita. Deux gros bœufs les attendent pour les sortir de l’eau.
Juste en dessous de nous, des surfers en combinaison (mais ni celles-ci ni la distance ne nous empêchent de remarquer qu’ils sont quand même pas trop mal foutus !) s’avancent prudemment sur les rochers, se mettent à l’eau et attendent LA bonne qu'il leur faudra défier.

S’initier avec la tia Lolol au yoga, saluer le soleil lorsque celui-ci disparait derrière l’horizon (enfin de notre vue, puisque ca me donne toujours des frissons d’excitation de m’imaginer ceux-qui le voient se lever de l’autre côté de cette jolie planète.) 
Faire résonner des airs africains alors que le ciel s’embrase… et laisser parler notre corps jusqu’à ce que le son  enregistré des tamtams ne soit plus que le seul à troubler la nuit. 
Mais celle-ci nous réserve encore une surprise, et pas des moindres. Lutter contre le sommeil en franchissant la fenêtre à pas d’éléphants… oups pardon, à pas de loups ! (RIP aux 25 kilos qu’on a pris à quatre en trois mois). S’enrouler dans nos couvertures sur notre petit plateau de verdure d’où nous parvient encore distinctement le fracas des vagues sur la plage. Fixer ce ciel encore inconnu de l’hémisphère sud. Ne pas retrouver les constellations familières ni nos propres repères, comme l’initiale du prénom de notre ex.  Laisser les étoiles faire la fête et briller pour savoir qui sera la plus belle, au-dessus de nos têtes. Et enfin fermer nos yeux qui s’étaient arrêtés sur la Lune, et tacher de découvrir ses secrets, tout comme l’ont fait les millions d’âmes qui nous ont précédés, et les millions d’autres qui nous survivront.
 Et enfin, laisser l’océan refléter sa lumière blanche comme un gentil chien fidèle, pour quelques heures encore.

Bref ça fait un peu cliché, (je vous ai épargné la petite prise de têtes entre nanas à trois heures du matin entre celles qui voulaient rentrer et les autres (en l’occurrence moi,  ok j’étais alone) ça aurait gâché l’effet idyllique. Mais les week ends passés dans cette maison familiale avec vue à 180° sur le Pacifique qu’elle domine du haut de la colline font partie des plus beaux de ma vie.


Le Chili ou un petit coin de Paradis.
C’est ce qui m’a frappé durant les premières semaines d’exaltation que j’ai vécues ici. Un pays où les pères noël en chocolat fondent dans les grandes surfaces, et où on prend des snaps (diminutif de snapchat, papi et mamie qui me lisez je vous expliquerai ce que c’est dans notre prochain skype jeje) avec ses profs. Où l’on semble profiter de la vie sans accorder plus d’importance qu’ils n’en ont aux petits soucis. Où à la campagne « non on ne voit pas beaucoup de gens faire leurs footings, ici on profite et prend du poids sans complexe », (ce qui n’est pas totalement vrai, plus en ville, les salles de fitness ont la cote et fleurissent un peu partout).

Le Chili est ainsi devenu ma petite île. On s’y sent bien, en sécurité. Faire mon jogging toute seule dans les environs, un luxe que je ne pourrais pas m’offrir dans d’autres pays d’Amérique du Sud. Où les abrazos que l’on partage avec tout le monde (les gros calins qui remplacent notre bise) sont sincères. Il m’aura fallu seulement quelques semaines d’immersion dans celui-ci pour que je reprenne conscience de ce qui était important (la famille, des sœurs et quelques vrais amis sur qui compter et qui peuvent compter sur nous), reprendre conscience de la notion de naturel VS superficiel (ceux qui m’ont connue dans ma période pot-de-peinture ne me reconnaîtraient pas).

Vous vous croyez populaire ? Devenez exchange student, vous passerez de ce pseudo-statut crétin à celui de nobody. Tout est à recommencer. L’essentiel ? Un sourire qui ne quitte pas notre visage, pour ces inconnus que l’on croise sur les trottoirs, pourquoi leur tirer la gueule ? Et ce sera ici chose facile de s’intégrer. Réaliser que c’est possible de s’émerveiller chaque jour sur des trucs qui pourraient paraître illusoires… La première chose que j’ai trouvé géniale ici ?  Criez Catalina Munoz, Coni Contreras ou Sebastian Diaz dans la rue et regardez combien de personnes se retournent (j’exagère un peu). Bien qu’ils aient tous des grands-parents ou arrière-grands-parents d’Europe ou des US, c’est un peu comme une grande famille. A l’échelle de Chillan où je vis, 160 000 habitants, tout le monde se connaît. Je dis ça presque sans exagérer. Que le Rotary ne s’inquiète donc pas, s’il nous venait à l’idée de partir en cacahuètes, ça se saurait direct. 

Chillan, où l’on trouve les meilleures saucisses du pays. Cette ville que mes camarades rêvent de quitter pour Santiago la PSU en poche (équivalent du BAC), mais que j’adore. Certains disent qu’elle n’a pas d’âme  ayant été détruite quasi entièrement lors du tremblement de terre du siècle dernier et reconstruite rapidement. 
Laissez-vous vous perdre dans les dédales du Mercado central (marché) un dimanche matin (grandiose) et vous changerez d’avis. Déambulez sur les trottoirs bordés d’arbres des petites rues parallèles aux avenues principales, et laissez courir vos mains sur les façades de ses maisons, bien mitoyennes et pourtant de toutes les couleurs de l’arco-iris(arc-en-ciel) ; ou encore de celles qui tombent en ruine ou balafrées dans toute leur longueur… signe qu’elles ont résisté aux multiples terremotos (tremblement de terre, pas la boisson!) consécutifs.
 Ca peut paraître très con mais je me suis découvert une passion pour les portes. Les prendre en photo, ou le travail d’une année jajaja !
 Les peintures murales engagées multicolores aux coins de rues, « ah oui, les graffitis », sur lesquels on peut lire "Un hombre solo enveceje cuando se le arrugan los suenos", "las mujeres resistimos luchando", "Isidora y Luis, 3 meses" ou encore des symboles anarchistes ou certains encore moins inspirés, autant de raisons pour expliquer à quel point j’aime le trajet en micro (bus) pour aller au centre-ville.


Cependant, comme on m’a toujours appris à le faire, car la vérité n’est jamais ni entièrement blanche ni noire, ou encore totalement rose, je me dois de nuancer mes propos.

On en revient donc à Cobquecura, ce coin de paradis, où l’on a aussi eu des échanges grave intéressants sur nos pays respectifs.

Le Chili a comme tout pays, ses propres problèmes. Je vais faire attention à ce que je vais écrire car son histoire (le putsch de 73, Allende, Pinochet tout ça) qu’on nous apprend ici et celle que j’avais lue en France ne sont pas abordées de la même manière. Il y a certaines familles où l’on ne peut toujours pas parler de « dictature », on emploie le terme « régime autoritaire ». Son spectre plane toujours… mais ils ont donc une soif de liberté, c’est une période de changements. Le Chili est considéré comme un pays en voie de développement. Des panneaux annonçant la construction de nouvelles universités, stades ou laboratoires poussent au bord des routes. Chaque année, on leur dit que leur statut va passer à celui de « pays développé » mais comme les inégalités sont encore importantes, ce n’est pas chose faite. Les revendications du peuple Mapuche au sud, les importantes manifs étudiantes d’il y a quelques années, la réforme de l’éducation qui se joue en ce moment… toutes ces aspirations, ces nouvelles libertés depuis la chute du régime autoritaire.

Controverse avec cette soif de liberté, c’est l’opposition conservatrice. Le gouvernement actuel de Michelle Bachelet est de gauche. Mais exemple, lorsqu’elle a porté le projet qui concernait l’accès à la pilule du lendemain, de nombreuses mairies qui avaient à charge de le mettre en pratique ont refusé net. Ou bien encore, pour être reçues au Planning familial, les jeunes filles mineures ont besoin de l’autorisation écrite et signée des parents… l’avortement n’est pas légal. Donc beaucoup de grossesses précoces (la première fois pour les filles est en moyenne à 15 ans). Comme Marley était malade, on en est aussi venu à parler du prix des médicaments. Chers. En effet, trois grandes pharmacies appartenant à de grands groupes se partagent le marché… on pourrait illustrer cette façon de fonctionner de l’économie chilienne avec d’autres exemples d’autres secteurs (supermarchés…).

                ET LA FRANCE ? : Si on regarde le site internet d’un certain journal français qui se propose de traduire des articles parus dans la presse internationale,  notre pays en prend en ce moment il faut le dire plein la mouille.     Malgré tous nos défauts qui sont bien connus, venez ici et vous verrez comment notre pays fait rêver outre-mer. « Plus froids, plus distants, un brin prétentieux, mais toujours élégants, séducteurs  (la drague serait ici basée sur le toucher, les belles paroles mais en France ce serait sur les petites attentions, les cadeaux tout ça, m’a-t-on dit…  mdrr à voir! Les chiliens ne sont pas comme l’image qu’on s’en fait du latino caliente, avez-vous déjà vu un mec de 16 ans en France tenir la porte aux filles qui l’accompagnent ? Ici c’est naturel), Pariiis la ville de l’amour, croissant, baguette, « Voulez-vous coucher avec moi », la Côte d’Azur, Edith Piaf, Charles Aznavour, Gilbert Montagné (sisi !!),les macarons. Malgré tout ce qu’on pourra dire, notre pays a toujours la cote et je suis heureuse de leur en parler. Du Moulin Rouge à Daft Punk, de notre Johnny national (ah non vous connaissez pas?)... à Carla Bruni (je sais qu'en Allemagne elle n'est pas inconnue on va dire, mais là absolument pas, on pouvait s'y attendre!), du clash Rohf/B2oba, de Nabilla (non c'est pas vrai :p) et puis de l'oscar de Jean Dujardin ainsi que de celui de Marion Cotillard. Je leur dis qu'il ne faut pas l'idéaliser, loin de là. Ce que je préfère de mon pays? Jeje dure question. Je réponds finalement "Son métissage de culture".